L’amour et la mort
Drôle de mois que celui de février au Québec.
Il s’ouvre sur la semaine de prévention du suicide, puis enchaîne avec la Saint-Valentin. La mort chevauche l’amour.
En premier, on se sensibilise à ceux qui veulent en finir, ensuite on fête l’amour. Beau paradoxe. La mort en premier, l’amour ensuite.
Oh, bien sûr, la semaine de prévention vise à garder en vie toutes ces personnes qui souffrent tant. Le slogan de la semaine est d’ailleurs : « Tu es important pour nous ».
C’est comme si on disait : Ne te suicide pas, on t’aime et on te veux avec nous.
Sauf que ça, ce n’est pas la mort qui vient avant l’amour mais plutôt l’amour qui vient contrer la mort.
C’est ça, février.
C’est le mois des « je t’aime ».
C’est le mois pour DIRE « je t’aime ».
Mais est-ce assez?
Dire « je t’aime » est une chose. Le montrer, en est une autre.
On aura beau dire « je t’aime » de toutes nos forces, de tous nos « posts » Facebook, de toute la force de notre appui sur la souris de l’ordinateur, ce ne seront encore que des mots.
Nous allons faire quoi, concrètement, pour fêter cet amour qui à l’origine concerne le couple mais qui doit s’étendre à tous? Où allons-nous être lorsque quelqu’un souffrira le martyre, enfoncé dans l’abysse de sa propre douleur? Qu’allons-nous faire avec nos enfants qui ont tellement besoin d’amour. Qu’allons-nous accomplir lorsque notre conjoint aura besoin que l’on soude un peu plus notre union?
Quel sera notre niveau d’engagement dans l’amour?
La mort et l’amour se chevauchent en février. Mais ne se chevauchent-ils pas tout le temps?
Celui qui n’a pas d’amour, qui ne reçoit pas d’amour, qui ne vit pas d’amour meurt. Non pas épanoui d’avoir accompli sa mission. Non. Il meurt de faim. Faim de l’amour qu’il aurait dû recevoir. Faim de l’amour qu’on lui devait.
Bien sûr, des bien pensants ajouteront immédiatement que c’est à lui à se donner l’amour dont il a besoin. Ils auront raison. Sauf que pour se donner cet amour, il faut d’abord en avoir eu l’exemple, au moins un peu.
Beaucoup vont d’ailleurs zapper la semaine de prévention du suicide. « On est fatigués d’en entendre parler ». Ben oui. Fatigués de savoir que trois suicides se produisent chaque jour. Fatigués d’être conscients que des gens n’ont pas trouvé de solution et ont plutôt quitté ce monde, épuisés par leur souffrance.
Beaucoup vont zapper la Saint-Valentin. « C’est trop commercial ». « On peut se dire je t’aime toute l’année. » Doux prétexte pour ne jamais le faire, très souvent. Trop souvent.
Et pendant ce temps, la soif d’amour augmente.
Pendant ce temps, à force de zapper tout, on zappe notre vie.
Et à force de se désengager, on est en train de zapper le monde.
L’amour et la mort se chevauchent ce mois-ci.
Qu’allez-vous faire pour que l’amour gagne?
Jean Rochette


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