Prise de conscience
J’ai réalisé tout récemment que je n’étais pas cohérente avec mes pensées et mes valeurs… bien sûr ça arrive à tout le monde à un moment donné, mais quand cette prise de conscience se fait, ça veut dire qu’il est l’heure de passer à l’action.
Je côtoie la maladie et accompagne des gens en fin de vie depuis tout près de 18 ans. J’en vois donc constamment, des corps se détériorer, alors que la vie s’étiole peu à peu. Dans un monde qui se préoccupe beaucoup de l’apparence extérieure, de l’image et où la jeunesse éternelle est encouragée, c’est un bel exercice d’apprendre à regarder davantage la beauté de l’âme, plutôt qu’une enveloppe corporelle qui se détériore.
Étonnamment, je n’en suis nullement choquée, du moins en ce qui concerne mon métier, car ça fait partie du processus. Par contre, j’ai réalisé que j’acceptais difficilement moi-même de vieillir, prise dans cette vision de beauté éternelle que nous renvoie la société.
J’ai commencé à avoir des cheveux blancs à l’âge de 18 ans. Je me rappelle en avoir été choquée, car je commençais tout juste ma vie adulte et j’avais encore bien le temps de vieillir. Pour contrer ce qui me semblait un mauvais sort, je les arrachais un à un, dès qu’ils m’apparaissaient visibles dans le miroir. Puis j’ai commencé à les teindre pour cacher ces signes qui démontraient que j’avançais en âge.
Au fil des années et de mes prises de conscience, colorer mes cheveux est devenu quelque chose de lourd que je me sentais imposé pour rester dans l’image que je m’étais moi-même créée. J’admirais secrètement et de plus en plus, les femmes qui avaient eu le courage de s’assumer et de se trouver épanouies au naturel, avec leur belle chevelure poivre et sel.
L’idée a commencé à germer en moi de m’affirmer aussi, en acceptant que c’était comme ça, j’avais beaucoup de cheveux blancs, c’était dans ma génétique et je n’avais plus 20 ans. Avancer en âge et accepter les changements dans son corps, les rides y compris, c’est reconnaitre qu’on a vécu, aimer, pleurer, qu’on s’est inquiété pour nos enfants, qu’on a beaucoup ri…. qu’on a vécu quoi !
Alors vive les cheveux naturels et la liberté que ça m’a donnée de commencer à les assumer, de me regarder dans le miroir et de me trouver encore belle et aussi plus assumée. Je vais avoir 59 ans et je suis heureuse du chemin parcouru. Les personnes en fin de vie m’ont donné le goût de vivre plus en conscience, mais aussi le désir de suivre le même chemin avec ma propre mort à venir. Assumer mes cheveux cendrés est un beau pas dans cette direction.