Lorsque le quotidien semble avancer rondement, sans surprise, une sécurité rassurante s’installe. Et, un beau matin, un désir de bouger, d’explorer, de laisser vivre un autre espace en soi émerge.
Tout à coup, ce qui était contrôlé, organisé doit se transformer pour laisser place à du nouveau. Il faut donc se libérer de l’ancien, du connu, afin de laisser vivre ce qui se présente dans le moment…pas toujours facile, n’est-ce pas ?
Et entre les deux, la transition nous bouscule un peu, nous pousse à lâcher-prise réellement, à faire de la place dans notre vie. Souvent, ce moment nous apparaît inconfortable et insécurisant.
Je ne résiste pas à vous parler de la phase de transition dans un accouchement : c’est le moment qui précède l’ouverture totale de la mère, celle qui annonce le grand lâcher- prise final avant la naissance. Ce qui m’a fascinée dans l’accompagnement de cette phase auprès des femmes, c’est de constater notre tendance à chercher à éviter ce grand saut final … de façon souvent inconsciente: « …Je ne veux plus accoucher ! Je rentre chez moi ! J’ai peur, je veux l’épidurale…»
Et surtout, j’ai pu constater à quel point de nombreux professionnels du milieu hospitalier ne comprennent pas cette intensité qui annonce la naissance et ils essaient de la neutraliser, de l’endormir … alors qu’elle fait partie du processus et doit simplement être accompagnée avec bienveillance.
À cet instant, la femme semble se désorganiser: en effet, elle vit le passage le plus grandiose et intense de sa vie juste là, en direct ! Elle a, en fait, besoin de sentir qu’elle peut s’abandonner à ce qui la traverse car ce qu’elle vit est normal dans ce processus de mise au monde : elle change d’état, elle devient mère.
Quelle expérience extraordinaire pour les femmes : apprendre à vivre une transition en pleine conscience. Par la suite, dans leurs vies, elles sauront que tout passage est insécurisant, voire bouleversant et elles se souviendront de cette envie de fuir l’expérience…mais elles sauront aussi qu’elles ont la force de supporter l’inconfort, la douleur et même la peur.
Quant à nous tous, lorsque nous nous abandonnons à ce qui se vit dans l’instant, que les résistances sont lâchées, nos transitions sont moins vertigineuses et la naissance de notre nouvelle réalité peut avoir lieu.
Surtout, nous ressortons grandis, en confiance avec notre choix de continuer d’avancer toujours plus à l’écoute de nous-mêmes et de nos réels besoins.
Isabelle Challut
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À propos de l'auteur
Infirmière pendant plus de 20 ans, Isabelle accompagne régulièrement des personnes en fin de vie. Par la suite, elle axe sa pratique autour de la naissance et de l'accompagnement des femmes qui donnent la vie. Elle fonde le Centre Pleine en 2005 [www.centrepleinelune.com]. L'expérience vécue auprès de sa mère fin 2014 et relatée dans le livre «Aller Retour vers l'Au-delà» [www.allerretourverslaudela.com] lui confirme l'importance d'accompagner le passage vers la mort avec bienveillance, tout comme celui de la naissance, dans le respect du sacré et de la puissance de la vie. Elle est aussi l'auteure de «la maternité au féminin» et co-auteure de «devenir soi» et «dire oui à la vie». Elle a participé au film «L'arbre et le nid».